La mixité sociale : une utopie pour notre ville ?
« Il n’est pas bon que dans la cité tous les gros et dodus soient au même endroit » (1)
La politique publique de lutte contre les "ghettos " et de promotion de la "mixité sociale" telle qu’elle est aujourd’hui conçue n’a jusqu’à présent rien produit de très concluant au niveau national.Tout d’abord parce que, depuis de nombreuses années, des municipalités et des organismes de logement social se sont emparés de la notion de " mixité sociale " pour en faire un usage très contestable : à savoir contrôler et sélectionner leur population, en cherchant à écarter les plus pauvres,les étrangers ou certains "immigrés". Mais c’est plus généralement sur les présupposés des politiques visant à une répartition " équilibrée " des populations qu’il faut s’interroger.
Faut-il, pour mieux faire société sérier les individus, trier dans la multitude en fonction de quelques critères, l’âge par exemple et regrouper ceux qui se ressemblent dans des espaces urbains qui leur seraient dédiés ?
Faut-il au contraire choisir la variété, la diversité, le mélange, la mixité sociale comme principe organisateur de la partition des populations dans notre espace urbain, c'est-à-dire dans l’espace social ?
Cette mixité sociale est elle possible ?
La mixité sociale, est-ce finalement qu’une utopie ?
Pour tenter de répondre à cette question, en nous appuyant sur les recherches du sociologue Michel Billé, reprenons la définition de la « mixité sociale » puis tentons de comprendre comment elle opère dans les intentions, les projets et initiatives qui sont développés au nom de cette idée. C’est qu’en effet, derrière cette notion, se cachent des questions très concrètes, de rapports entre des groupes sociaux, de rapports entre générations, de place des retraités et des plus âgés de nos concitoyens dans l’espace public, de leur participation aux échanges sociaux et finalement à la vie de la cité. C’est de la citoyenneté, capacité à vivre avec autrui.
La mixité sociale se définit selon le sociologue Gérard Baudin « comme une présence simultanée ou la cohabitation en un même lieu de personnes ou de groupes différents socialement, culturellement ou en encore d’âges, d’origines, de nationalités différentes ». Notion intégrée dans le droit par la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991 dite encore LOV.
La mixité sociale s'inscrit au cœur des débats sur le vivre ensemble dans notre société. Elle revêt de ce fait une importance majeure dans toute société démocratique. Le concept même de mixité sociale renvoie aux valeurs de la République française, celles d’une République une et indivisible telle que le prévoit notre Constitution.
La mixité sociale concerne-t’elle- tous nos contemporains ?
Entre-soi ou non ?
Certains de nos contemporains fuient certains quartiers et optent délibérément pour un habitat parfaitement normalisé, dans des zones identifiées, gardées, protégées et s’y précipite persuadés qu’ils sont qu’on ne peut vivre bien qu’avec son semblable, son identique, au milieu d’une multiplicité qui n’est autre que la répétition du même. Les « villages retraites » comme les séniorales de Pont-Aven.
Tout se passe comme si l’avancée en âge, la retraite et la vieillesse, déjà, poussaient l’individu à croire qu’on ne vit bien qu’à l’intérieur des frontières de l’entre-soi, entre-soi des âges, entre-soi des milieux sociaux d’appartenance…
Vivre avec autrui différent, est-ce dangereux ?
Habiter c’est d’abord occuper de l’espace, une portion d’espace sociale. Or on n’occupe pas cet espace de la même manière selon que l’on est par exemple, homme ou femme, propriétaire ou locataire, jeune ou plus vieux.etc…
Il n’y a d’espace que social et culturel. Plus largement, la nature et la forme du bâti, le choix desmatériaux, l’agencement de l’espace intérieur, l’articulation de ce dernier avec l’extérieur, tout parle de culture. Que les regroupements de populations par caractéristiques culturelles identiques aient été voulus ou non, maîtrisé ou non est une autre histoire…On parlera ici du « quartier juif « de Paris,
ailleurs du « quartier chinois » partout on repère les quartiers bourgeois des quartiers populaires.Localement prenons pour exemple le quartier de Saint-Sébastien et le quartier de Sainte-Marguerite.
Toujours du même processus : à l’inverse de l’idée-même de mixité sociale, aujourd’hui il s’agit de désigner les populations pour leur attribuer, pour leur assigner une place dans l’espace social.
Les caractéristiques du peuplement d’un ensemble ou d’un quartier résultent de trois facteurs : l’arrivée de nouvelles populations, le départ des populations en place, l’évolution de la situation de ceux qui restent. Ce mécanisme est valable aussi bien pour l’embourgeoisement d’un quartier ou pour sa paupérisation
La première cause de non mixité avec l’histoire, c’est le marché, qui produit naturellement de la ségrégation territoriale. Les coûts fonciers et immobiliers excluent de grandes parties de la population et les renvoient dans les franges urbaines les moins agréables. Inversement la qualité de vie dans un quartier, les espaces verts, les services publics et surtout des établissements scolaires de qualité pèsent sur les prix et le réservent aux plus riches Non seulement le parc social tend à se paupériser, ce qui contribue à la ségrégation, mais, compte tenu de l’ampleur des besoins, la tentation est forte d’en exclure encore davantage les représentants des classes moyennes – employés, jeunes ménages, instituteurs ou infirmières, ouvriers qualifiés – pour le réserver exclusivement aux plus démunis. De l’autre côté le secteur locatif privé, du moins dans sa partie décente, est peu accessible aux plus fragiles, et la liberté contractuelle permet en outre plus facilement d’éviter certaines populations.
« Partager une culture ce n’est pas tendre à l’uniformité mais partager avec tous, jeunes ou vieux, des pratiques, des modes de vie, des manières de faire qui constituent un ensemble détenu en commun ». (Michel Billé)
Habiter c’est occuper une place dans un espace symbolique. Les « vieux » occupent dans cet espace symbolique des places qui à travers l’habitation parlent d’autre chose que de logement. : Leur histoire personnelle d’abord, des rôles joués dans le passé, des choix effectués, des statuts occupés… Elles parlent aussi de l’histoire collective; de l’histoire locale, des rapports de pouvoir et des rapports politiques locaux. Chacun aura en tête par exemple une ville divisée entre deux clochers qui déterminent deux paroissesqui rivalisent. En l’occurrence nous pourrions citer nos deux chapelles (St-Sébastien et Notre-Dame des Dunes) Cet espace social, culturel et symbolique est profondément espace politique. C’est en d’autres termes, être considéré comme un citoyen, entrer dans ce statut de citoyen. Il est tentant parfois de réduire ce statut à sa seule dimension électorale.
Habiter c’est aussi exercer un droit, le droit à un logement décent, proportionné, adapté. Ce droit d’occuper une place dans l’espace social permet alors d’adopter des comportements sociaux, des habitudes ou modes de vie, par lesquels nous intégrons au tissu social environnant. Faire des courses dans telle supérette, acheter un journal…participer à la vie d’une association, échanger quelques visites, voire quelques services avec des voisins, autant de pratiques sociales rendues possibles par le fait d’habiter ici ou là-bas. « Habiter c’est s’intégrer, c’est cette intégration qui donne le sentiment d’appartenance : on est de tel quartier, du côté mer ou du côté campagne. Le lien social passe par cette appartenance ». (Michel Billé)
Alors, la mixité sociale est-elle finalement une utopie?
Avec la décentralisation, les collectivités territoriales ont vu leurs compétences renforcées par des transferts effectués par l’État. A noter que ce dernier se désengage au niveau des offices HLM.de plus en plus comme nous avons pu le voir dans l’élaboration des derniers budgets (en effet l’Etat a décidé de prélever en 2011,2012 et 2013, 340 millions par an sur les fonds du mouvement HLM pour « alimenter » son budget.
Les communes et leurs groupements (intercommunalités) se révèlent néanmoins impuissants pour favoriser la mixité sociale sur leur territoire.
En effet, si les communes disposent en principe d’une compétence étendue en matière d’urbanisme, la construction de logements sociaux dépend étroitement de certains facteurs locaux. La situation est ainsi très différente selon qu’une commune dispose ou non d’importantes ressources grâce à la fiscalité locale et aux dotations de l’État en fonction de sa population et de grandes réserves foncières.
Dans bien des cas, la petite taille des communes et le manque de ressources rendent difficiles de tels investissements. De plus, la politisation de la construction de logements sociaux et la pression exercée par les habitants réticents placent les élus locaux face à des décisions délicates.D’autres facteurs expliquent la dégradation de la mixité sociale dans les communes. Dans les quartiers susceptibles d’être réhabilités, la propriété foncière demeure complexe, mêlant terrains du domaine public et du domaine privé, avec parfois une multitude de propriétaires difficiles à identifier et à mobiliser, allongeant ainsi le délai de réalisation pour chaque opération de construction et de rénovation. Notre commune voisine, La Baule, rencontre ces difficultés dans le cadre de l’aménagement de la ZAC du jardin de la victoire. Enfin, les communes ne disposent pas d’instruments efficaces pour juguler la hausse des prix du foncier. Or, le prix du foncier est un facteur déterminant pour le coût des opérations de construction. Dans une commune comme la nôtre le foncier atteint des sommes au m2 exorbitantes. - Pornichet est la deuxième ville la plus chère sur le littoral du
Havre à Biarritz pour le m2 constructible.et sur les Pays de la Loire la commune la plus chère au m2 locatif- Comment réguler le marché immobilier alors qu’un d’un côté nous avons peu d’offres et de l’autre côté une clientèle à fort potentiel financier.
Certaines communes comme Pornichet ont fait, semble t’il, le choix de l’immobilisme, en dépit de la loi SRU, afin de satisfaire leur population, quitte à payer les amendes prévues.
N’est-il pas logique et indispensable que les services de l’état, les organismes sociaux et les collectivités territoriales (ville de Pornichet et la Carène) puissent travailler main dans la main pour offrir à notre commune et à l’intercommunalité un certain équilibre social du territoire. Mixité sociale et solidarité territoriale sont devenues des piliers majeurs des politiques de l’habitat formulées et doivent être mises en œuvre à l’échelle locale.
Pour favoriser cette diversité sociale, N’est-il pas souhaitable, sans dénaturer l’aspect environnemental et sociologique, de développer dans chaque quartier la coexistence de différents types de patrimoines, de faire coexister parc social ou très social et parc privé, locatif et accession à la propriété, grands logements familiaux et studios pour personnes seules, mais aussi habitat, services publics et activités :l’implantation de commerces, d’espaces publics….
Alors croire en la mixité sociale c’est sans doute une utopie mais une utopie nécessaire parce qu’elle contribue à maintenir du lien là ou tout concourt à le détruire et que sans ce lien, si ténu soit-il parfois, la société serait encore plus difficile à vivre qu’elle ne l’est pour les plus défavorisés de nos concitoyens
« L’injustice sociale est une évidence si familière, elle est d’une constitution si robuste, qu’elle paraît facilement naturelle à ceux mêmes qui en sont victimes. »Marcel AYMÉ -silhouette du scandale-
Le bureau
(1)F. MIRON, Prévôt des marchands, s’adressant à Henri IV : « Ne suis point d’avis de bastir des quartiers à l’usage exclusif d’artisans et d’ouvriers. Il ne faut pas que les petits soient d’un côté et les gros et dodus de l’autre ; c’est beaucoup plus sûrement mlangé. »